Histoire de rechute(s)
(Q) Je repense souvent à notre déjeuner où tu m’as permis en direct de passer de l’autre côté du miroir.
Ce fut un moment d’une grande intensité où l’enthousiasme, la joie, l’amour et même l’humour se côtoyaient allègrement. Et, en arrière-plan, cette particulière sensation d’être de retour chez soi.
Le lendemain, je pouvais rejoindre cette paix à volonté et je me disais souriant : que le miracle avait peut-être eu lieu, que j’avais passé la porte étroite… mais, pour demeurer en cet état en toute simplicité, la ferveur et surtout l’humilité m’ont fait défaut.(Comme d’hab…)
Cet adolescent avide fanfaron et peureux ( à qui mon esprit prête vie), vient mettre le bazar inexorablement. Tu as pu en avoir un aperçu, à la réception, deux jours plus tard, de ce courriel affligeant.
Denis Horvath
(R) Voilà à présent des années que je suis amené à traiter le phénomène de la “rechute”. Je souris intérieurement, car nous sommes tellement attachés aux preuves, aux signes qui viennent confirmer ou invalider notre réalisation.
Tout d’abord, j’ai envie de dire que ce truc que l’on appelle “réalisation” est une “connerie”. En réalité, nous ne réalisons rien. C’est juste notre esprit, notre aspect illusionné qui réalise. Quoi que nous puissions penser de nous, en bon ou en mauvais, ce ne sont là que des pensées vides. Notre esprit est fait pour penser, ainsi que notre langue nous sert à parler. Tout mot, toute pensée s’épuisent, car ils sont illusoires.
La question que je pose généralement est : “Est-ce que c’est vrai ?” Nous pouvons penser ce que nous voulons, la question est : “Est-ce que c’est vrai ?” Où est la vérité ? Quelle est-elle ?
Crois-moi, il n’y a chez toi, ni chez personne une rechute, ou un aspect retors qui ne peut être sauvé. Il n’y a tout simplement pas d’extériorisation possible à la vérité. Il n’y a pas de “chute” (originelle), donc pas de “re-chute”. Ce que tu vis n’est pas réel. Tu le vis non pas parce que tu “faillis”, mais pour comprendre que cela aussi est vide. Pour comprendre que tu en es libre, que tu en restes libre.
Nous sommes appelés à une pleine libération, afin que nous reconnaissions que nos cauchemars (et ceux des autres), les pires, sont aussi des rêves. Être libre de l’illusion, ce n’est pas ne plus y être confronté, mais c’est ne plus y croire. Le vrai miracle est face à l’adversité. “Merci de m’apprendre, de me donner à voir que je suis libre de cela.” Il est possible que nous devions revivre encore et encore le même cauchemar, afin de comprendre que nous en sommes la source. Nous ne pouvons qu’en ressortir victorieux.
Il n’y a pas d’un côté la vérité et d’un autre une “non-vérité”. Tout est vrai ! Tout appartient à un même Ciel. Bien des choses s’élèvent dans ce Ciel. Bonnes ou mauvaises leur vérité reste le Ciel. S’il y a une non-vérité, elle fait partie du Ciel. Le Ciel seul est vérité.
Comme je dis parfois : “Si nous sommes prisonniers, nous sommes enfermés dehors !” DM
(Q) Merci pour cette chaleureuse et rapide réponse. Ce qui m’effare le plus c’est le temps qu’il faut simplement pour écouter vraiment…
Dans ton manuscrit, il est essentiellement question de l’illusion. Je l’ai lu avec avidité et avec le plus grand sérieux, pourtant c’est seulement maintenant grâce à ton courriel que j’entrevois la vérité de cette illusion permanente.
Où que notre esprit se tourne, quel que soit le masque qu’il revêt : culpabilité, désir, plaisir, honte, satisfaction, peur et toutes les étiquettes que nous collons sur les choses et nos semblables…Avec en plus le j’aime et le je n’aime pas…
Ça donne le vertige ! Et je ne le perçois que partiellement, ça n’est encore qu’une idée, mais elle semble germer enfin.
On ne peut donc pas négocier avec l’esprit ni même l’améliorer, car c’est encore l’égo qui tente cela. Aucun mérite ne peut être une monnaie d’échange, ni aucun démérite une entrave. Il n’y a rien à gagner, aucun Paradis. Ni même un Enfer d’où s’échapper.
Voir… C’est Être, et là, il y a ce champ (chant) infini ou tout est possible ici et maintenant, libre de l’avant et de l’après. Libre du je, moi je, mon, mien. Cela seul est la réalité.
Grand merci pour ta clarté incisive. Pourtant, j’en ai lu des bouquins et de toutes les couleurs.
Il a suffi d’une phrase sur internet pour que cela devienne réalité.
Denis Horvath